Ordures ! est une mini-série en quatre épisodes de 13 minutes mêlant prises de vues réelles et animation en stop-motion. À la fois tragi-comédie d’aventure et fable écologique, elle inverse les perspectives pour interroger le spectateur sur la problématique des déchets et sur notre rapport au tout-jetable. Sans jamais être moralisatrice, elle invite chacun à réfléchir à ses habitudes de consommation et à leurs conséquences. En croisant les genres et les codes narratifs, la série questionne ainsi la place des objets dans notre quotidien.
L’histoire de Gobi le gobelet, une fable d’actualité
La série suit Gobi, un gobelet unique… à l’image de son usage ! Inconscient d’avoir été conçu pour un usage unique, et abandonné par sa propriétaire, Gobi va tout faire pour la retrouver. Au fil de son périple, il croise une galerie de déchets aussi loufoques qu’attachants. Il prendra peu à peu conscience de sa condition de détritus abandonné et du sort tragique qui l’attend. La série fait le pari de l’humour radical à travers une fable contemporaine, fantaisiste et absurde, tout en portant une réflexion de fond.

Un défi créatif et technique
La série mêle plusieurs techniques : prises de vues réelles dans les rues de Paris, jusque dans ses égouts, manipulation en direct de marionnettes, et stop-motion en studio, notamment pour l’animation des visages. « Beaucoup de bidouille », explique le réalisateur Benjamin Nuel, dont l’esprit low-tech et do it yourself est la marque de fabrique. « Animer nos ordures en 3D aurait été moins laborieux, mais nous avions envie de travailler avec une matière réelle, d’entretenir un rapport physique avec les objets, de pouvoir les toucher, les manipuler. »
Réalisée avec Foliascope, l’un des meilleurs studios français d’animation en stop-motion, la série a également bénéficié de la collaboration de Kim Keukeleire, qui a notamment travaillé sur Wallace et Gromit et Shaun le mouton (Nick Park), L’Île aux chiens (Wes Anderson), Pinocchio (Guillermo del Toro), ou encore Ma vie de Courgette (Claude Barras).

Une fiction documentée sur la question des déchets
Olivier Guichardaz, journaliste spécialiste des déchets, a accompagné l’équipe lors de la rédaction des premières intentions et de la première version du scénario. Pour Marc Lustigman, producteur délégué, « Il était absolument essentiel que nos auteurs, qui ne sont pas des experts de la gestion des déchets, soient encadrés par un spécialiste afin d’éviter les erreurs et d’aborder ce sujet important avec le sérieux qu’il mérite. »
Avec ce partenariat, le Syctom poursuit son objectif de développement des actions de communication en faveur du tri et de la réduction des déchets à destination du grand public. Cette initiative s’inscrit dans la continuité de sa campagne Faites le tri dans votre vie, ou encore de Tom mag, particulièrement destinée au public scolaire, diffusés sur l’ensemble de son territoire.
ORDURES ! diffusée sur ARTE dès le lundi 16 juin
Un film animé écrit par Géraldine de Margerie, Maxime Donzel, Niels Rahou
Réalisation et direction artistique : Benjamin Nuel
Direction de l’animation : Kim Keukeleire
Sur une idée originale de Marc Lustigman
Avec les voix de : Sébastien Chassagne, Anaïde Rozam, Romane Bohringer, Jenny Letellier, Moustafa Benaïbout, Fanny Bloc, Augustin Shackelpopoulos, Sacha Béhar, Nicolas Berno, Antoine Schoumsky
Coproduction : ARTE France, Darjeeling, Foliascope, Inthebox, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma
Avec le soutien du CNC, de la Région Auvergne Rhône-Alpes, du département de la Haute Savoie, de la Procirep-Angoa et en partenariat avec Re-fashion, Gestes propres, Le Syctom et « Mon Mégot Où Il Faut »
Interview : Marc Lustigman, producteur délégué (Darjeeling)
"Nous croyons beaucoup au pouvoir du rire et de l’humour pour agir sur les consciences"
Comment est né le concept de la série et pourquoi cette thématique ?
L’idée est née de discussions conjointes avec notre partenaire, ARTE. Nous souhaitions depuis longtemps travailler sur la thématique des déchets, et plus spécifiquement, sur notre rapport aux déchets à usage unique qui sont une véritable aberration écologique. Notre réflexion découlait de ce cette question : Comment en est-on arrivé à produire en série des objets à usage unique en plastique alors que le plastique a justement été créé pour permettre de créer des produits utilisables à l’infini ? Pour ARTE c’était un sujet déjà bien exploité mais ils ont été séduits par notre approche : traiter la thématique avec un angle nouveau, à savoir la comédie, pour sensibilité les spectateurs d’une manière originale et jamais vue.
La forme de la série a-t-elle été pensée pour s’adresser à une cible en particulier ?
Dès le début l’objectif était de nous adresser principalement aux très jeunes adultes (à partir de la fin du collège) et aux adultes. Le pari de traiter un sujet gravissime par l’humour nous paraissait vraiment pertinent vis à vis de la cible visée. Les jeunes adultes sont littéralement bombardés de messages anxiogènes à longueur de journées, et à la longue l’impact des ses messages peut s’en retrouver amoindri. À l’inverse, nous croyons beaucoup au pouvoir du rire et de l’humour pour agir sur les consciences et faire réfléchir les gens. Nous avons donc décidé de pousser la comédie à son maximum en proposant une histoire fantaisiste et absurde qui permette de rire tous ensemble sans pour autant culpabiliser les gens... tout en proposant une réflexion de fond sur cette problématique. Autant dire que l'enjeu était très haut !
En tant que producteur, êtes-vous intégré au concept en amont ?
Oui, nous sommes des producteurs qui nous impliquons beaucoup dans le processus de création de nos œuvres. D’ailleurs l’idée d’ORDURES vient de moi ! J’avais donc logiquement à cœur de suivre de près le développement de cette idée et d’apporter également mes propres idées à l’équipe de création.
Quelles sont les différentes étapes de conception d’une série ? Ou entre la création du concept d’une série, et sa diffusion combien de temps se passe-t-il ?
C’est très long ! Au moins 3 ans depuis le concept original jusqu’à la livraison du film final. Au départ, ORDURES était pensé en ”mockumentaire animalier” c’est à dire un faux documentaire qui singe les codes du documentaire animalier (comme ceux de National Geographic par exemple) en présentant les déchets comme autant d'espèces vivants dans une nature un peu spéciale : la jungle urbaine. ARTE nous a convaincu d’aller plus vers la fiction. À la réflexion, nous sommes très heureux qu’ils nous aient convaincu de faire ce changement car notre héros Gobi est vraiment attachant et son aventure riche de sens.
Puis, nous avons écrit l’histoire, ce qui a pris plus d'un an. C’est long, mais le dispositif de fiction était très contraignant et il a donné du fil à retordre aux scénaristes. Comprenez que l’enjeu était de taille pour eux : comment créer de l’action et de l’aventure quand on parle de déchets (et pas d’humains) qui en plus ne peuvent pas bouger ? En 15 ans de carrière, je pense que c’est le film qui a été le plus complexe à écrire car toutes les conventions d’écriture de fiction étaient remises en question. Au final l’équipe d’écriture (Maxime Donzel, Géraldine de Margerie et Niels Rahou) ont fait un travail remarquable. On a également pris beaucoup de plaisir à travailler ensemble, à imaginer cet univers totalement loufoque et à donner vie à GOBI.
Une fois le scénario terminé nous avons fait appel à Benjamin Nuel, pour assurer la réalisation. Benjamin est un artiste/réalisateur pluridisciplinaire que nous connaissions depuis plusieurs années et dont nous apprécions grandement le travail. Son univers est à la fois très hybride et très drôle. Son profil nous semblait donc parfait pour assurer la réalisation de cette œuvre. Il a réalisé un travail incroyable et s'est également beaucoup amusé.
Ensuite, vient la période du financement de l’œuvre. Je dois dire que cela a été particulièrement facile, car le projet a plu à tous les guichets de financements auxquels nous nous sommes adressées (comme le CNC, Centre National de la Cinématographie, ou Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, ou encore le fond dédié aux films d’animation du département de la Haute Savoie)
Enfin, vient le temps de la fabrication. Pour cela nous nous sommes entourés du meilleur studio d’animation en stop motion français : Foliascope. L’équipe était composée des meilleurs techniciens au monde pour cette technique d’animation si particulière (le stop motion consiste à donner vie à des objets réels et inanimés en les photographiant image par image).
Nous avons collaboré entre autres avec Kim Keukeleire qui a notamment travaillé sur les plus grands films réalisés en stop-motion… C’était fou de voir des gens aussi talentueux donner vie à nos marionnettes imaginées sur papier quelques mois auparavant.
Quand on a vu pour la première fois Gobi animé avec la voix du comédie Sébastien Chassagne par-dessus, on était vraiment soufflés et on a pu enfin nous dire : ”Waouh ça marche super bien !"
Pour finir j’aimerais citer Paul Burckel, le character designer, qui a créé l’esthétique et qui a donné le ”look” un peu repoussant aux déchets. Au départ, nous souhaitons un rendu plutôt pop et coloré mais il a insisté avec le réalisateur pour qu’on s’écarte de cette piste pour adopter un style plus radical. Au final, ses choix se sont avérés pertinents par rapport au message qu’on souhaite véhiculer et son travail.
Quel est pour vous l’apport de partenaires comme le Syctom sur cette série ?
Nous sommes des faiseurs de films et, même si en tant que citoyens la problématique des déchets à usage unique nous touche, nous ne connaissons pas cette filiale, ni les acteurs de ce milieu. Or, pour un projet à impact comme celui-ci, il est essentiel que des partenaires institutionnels comme le Syctom puisse nous aider à rendre ORDURES ! visible. Grace à eux, nous avons accès à une autre typologie de public, très organisé, engagé et impliqué sur la question des déchets, et donc plus à même de faire résonner le projet auprès du grand public. Nous réfléchissons d’ailleurs avec ARTE et les partenaires à monter une tournée diffusion/débat dans les Cinéma français en 2025. L’idée étant de diffuser le film puis de discuter la question des déchets et des déchets à usage uniques directement entre le public et des experts. L’idée de pouvoir réfléchir et discuter avec le public est vraiment quelque chose qui nous tient à cœur car on dépasse le simple visionnage pour aller vers du concret : de la discussion et du débat d’idée… Personnellement c’est la raison première qui me fait me lever le matin pour produire des films.
Est-ce que votre rapport aux déchets a changé depuis la production de cette série ?
A titre personnel, bien que j'ai encore beaucoup de progrès à faire, il me semble avoir toujours eu une réflexion assez forte sur mon rapport aux déchets. C’est d’ailleurs pour ça je crois que l’idée de faire « ORDURES ! » m'est venue. Mais je dois dire que quand on s’intéresse à la question on en apprend vraiment tous les jours. Récemment, j’ai découvert les travaux de Jeanne Guien qui approche la question des déchets par la philosophie. Je trouve ça passionnant. C’est une autre manière de voir les choses qui complète bien la réflexion qu’on peut avoir en tant que simple consommateur.