Le recyclage s’inscrit dans le cadre d’un modèle économique mondialisé. Son dynamisme dépend donc de la valeur marchande attribuée à la matière première secondaire issue du processus de recyclage. Cette valeur fluctue constamment en fonction de multiples facteurs :

  • la chute du cours de pétrole et la baisse du prix des résines plastiques vierges aux dépens des plastiques recyclés
  • le ralentissement économique et son impact sur la baisse des volumes collectés (en raison de la réduction des commandes) et sur la capacité des filières industrielles à absorber les matières recyclées
  • une demande accrue de la fibre synthétique, depuis les effets du dérèglement climatique sur le coton, en concurrence avec le PET recyclé.

Panorama des principales filières

Ces fluctuations de la demande et des prix ont eu des répercussions pour le Syctom qui s’est trouvé confronté à la difficulté d’écouler les stocks de matériaux issus du tri des collectes sélectives de papiers/emballages et d’encombrants.  Les conséquences financières sont importantes et concernent en particulier les filières des papiers et cartons récupérés (PCR), du plastique recyclé et des déchets en bois.

Les PCR

Le marché des PCR est en difficulté depuis 2017 en raison d’un déséquilibre important sur le marché européen entre l’offre de papiers-cartons à recycler et la demande des usines de recyclage.

Pour les cartons, le ralentissement brutal de l’économie chinoise, grande consommatrice de cartons recyclés pour l’expédition à l’international de ses produits manufacturés, a engendré la saturation des stocks en Europe et, par ricochet, l’effondrement des prix.

Pour les papiers graphiques (journaux, revues, magazines / JRM), la baisse tendancielle de la demande en est la cause : baisse des ventes de la presse écrite, des publicités non adressées dans les boîtes aux lettres… Cette conjoncture a conduit en 2019 à la fermeture du site de recyclage des papiers d’UPM-Chapelle Darblay (76) qui prive la France d’un débouché. La capacité des usines de recyclage – notamment Norske Skog Golbey, seul site en France et en contrat avec le Syctom – et la faible demande en papier recyclé ont entraîné la chute des cours du papier issu du tri.

La baisse de production des centres de tri liée à la crise sanitaire et le maintien en parallèle de l’activité papetière, essentielle à la fabrication des emballages alimentaires, ont permis toutefois une légèrement augmentation de ces cours.

Les plastiques

Le secteur du plastique recyclé a été fragilisé par la crise sanitaire, surtout les flux de PEHD, PP, PS et PET foncé en raison de l’effondrement de la demande provoquée par l’arrêt des commandes dans les secteurs de la construction et de l’automobile, et de la perte de compétitivité face à la matière vierge depuis la chute des cours du pétrole.

Conséquences : un recul des prix de vente et un manque de débouchés pour les repreneurs. Depuis peu, on observe cependant des signes encourageants avec une timide reprise économique. Certaines industries de recyclage situées en France ont ainsi redémarré leur production, à l’image de l’entreprise MPB Recyclage qui récupère à nouveau les stocks plastiques du Syctom. Les repreneurs des flux du Syctom continuent de faire appel à quelques usines européennes en raison de la situation encore tendue du secteur, mais pour des stocks de moindre importance. Le PET clair recyclé a quant à lui résisté à la crise en raison de son aptitude au contact alimentaire, et de l’incorporation du PET recyclé dans de nouvelles bouteilles de boisson.

Les déchets bois

Même constat pour la filière des déchets bois en partie alimentée par le ramassage des objets encombrants. Elle se trouve prise en étau entre l’essor du gisement – dû notamment à l’obligation réglementaire de recyclage des déchets de chantier – et le ralentissement de la production de panneaux de bois, principal débouché pour la valorisation matière du bois. Les perspectives pourraient s’améliorer en cas de nouveaux débouchés industriels et avec le renforcement de la valorisation du bois recyclé en bois énergie.

Le recyclage, une pratique d’avenir

Malgré ce contexte contraint, le Syctom, convaincu du rôle majeur qu’occupe le recyclage dans la transition écologique, entend poursuivre ses efforts en matière d‘innovation, par notamment la modernisation de ses centres de tri. Cela passe aussi par une collaboration avec les territoires pour mener des projets locaux en faveur de la sensibilisation des publics. Améliorer la fréquence et la qualité du geste de tri constitue en effet un enjeu encore plus central pour optimiser le taux de recyclage.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec), adoptée en janvier 2020, prévoit également des dispositions intéressantes pour renforcer la recyclabilité des produits et obliger les industriels à intégrer plus de matières recyclées dans les produits. Parmi ses objectifs : tendre vers 100 % de plastique recyclé d’ici 2025. Elle mise ainsi sur une meilleure information du consommateur pour l’encourager à trier et à privilégier l’achat de produits fabriqués à partir de matières recyclées grâce à l’affichage du taux de recyclabilité et du taux de matière recyclée incorporée.

Ambitieuse, cette loi devra s’accompagner d’un renforcement des dispositifs de soutien en direction des 1 200 entreprises de la filière vertueuse que représente l’industrie du recyclage.

Loin d’être un alibi environnemental, le recyclage est une des solutions incontournables pour valoriser nos déchets et éviter la consommation de ressources et d’énergie.

C’est un maillon indispensable vers une économie bas carbone, qui doit être soutenu et dynamisé avec, en parallèle, l’instauration de mesures en faveur de l’éco-conception des produits. En effet, l’ensemble des acteurs a un rôle à jouer dans une gestion durable et responsable des déchets à chaque étape, de la conception du produit en amont jusqu’au retour de la matière dans un process industriel.

Interview : Jean-Patrick Masson président du Cercle National du Recyclage et vice-président de Dijon Métropole

Quel est aujourd’hui l’impact de la chute des cours des matières recyclées pour les collectivités territoriales ?

Jean-Patrick Masson :  C’est avant tout un manque à gagner économique certain, d’autant que cette baisse ne touche pas seulement un matériau, comme cela a pu être le cas dans le passé, mais de très nombreuses filières. Si le verre est, par exemple, fortement impacté avec un prix de reprise qui risque d’être bientôt nul, c’est aussi le carton, le papier, les plastiques qui sont concernés…

Face à ces baisses, qui déséquilibrent le budget des centres de tri, les collectivités locales sont obligées de compenser le manque à gagner, les éco-organismes s’y refusant. Le Cercle National du Recyclage milite pourtant pour qu’ils prennent leur part, car les conséquences financières peuvent devenir très lourdes pour les collectivités.

Quels sont les principaux leviers à activer pour une relance du secteur ?

J-P.M. Dans un contexte où les matières vierges sont quelques fois moins chères que les matières recyclées, il faudrait mettre en place un système de bonus/malus pour qu’il y ait une incitation à utiliser des matières recyclées et, inversement, des pénalités sur les matières vierges, pour intégrer leur coût écologique. Nous plaidons aussi pour qu’il y ait une obligation d’incorporer une fraction de matière recyclée dans la fabrication des emballages. Une autre piste serait d’utiliser la TGAP comme levier d’action : au lieu d’être uniforme, elle pourrait être modulée et redistribuée pour soutenir la modernisation des centres de tri.

Enfin, je pense qu’il faut aussi encourager l’éco-conception pour éviter l’arrivée, dans les centres de tri, de produits qui ne sont pas recyclables. La relance du secteur est en tout cas un véritable enjeu que le plan de relance du gouvernement doit prendre en compte.

La sensibilisation des publics fait-elle aussi partie de la solution ?

J-P.M. Bien sûr, car la qualité du tri dépend très directement de la nature des déchets qui arrivent dans les centres de tri. Et cette qualité est directement liée aux actions de communication en direction des habitants, pour qu’ils sachent facilement où mettre leurs déchets. La Métropole de Dijon vient par exemple de mettre en service une application, adaptée au territoire, qui permet de savoir dans quelle poubelle jeter ses déchets, en scannant leur code barre.

La communication est un levier d’action indispensable pour soutenir le geste de tri et éviter le désintérêt des populations.